Nous avons récemment annoncé publiquement notre action juridique pour demander l’intégration des enfants de 4 à 6 ans. A la suite de cette annonce, nous avons été la cible de différentes attaques sur les réseaux sociaux, et l’ARS a publié ce matin-même un communiqué de presse nous accusant de propos diffamatoires.
Nous tenons à apporter un éclairage factuel sur la situation.
Concernant notre communiqué et notre recours auprès du Tribunal Administratif
On nous prévient : «Comme Autisme Limousin a fait un recours contre l’arrêté d’agrément des SESSAD, il est tout à fait possible que les SESSAD n’ouvrent pas.»
FAUX. Notre recours devant le tribunal administratif dénonce l’arrêté au vu du critère d’admission abusif qui exclut les enfants de plus de 4 ans. Notre argumentaire devant le Tribunal vante les mérites de l’intervention intensive précoce pour tous les enfants et ne demande en aucun cas l’annulation de la création des SESSAD.
On nous accuse : «Si les SESSAD sont bloqués, les enfants n’auront aucune intervention, ce dont à l’évidence Autisme Limousin se moque éperdument.»
FAUX. Nous sommes une association de professionnels et de parents. Le sort des enfants est notre première préoccupation. Cependant, comme expliqué au point précédent, notre action n’a aucunement pour objectif le blocage des SESSAD. Nous ne demandons que la suppression de la limite d’âge d’admission à 4 ans, aucun autre élément de fonctionnement ou de financement des SESSAD n’est remis en cause par notre action.
On nous prête des intentions : «On peut aller au Tribunal Administratif pour salir, c’est le cas…»
FAUX. Notre seul et unique but est la défense du droit de tous les enfants de 0 à 6 ans à bénéficier de l’intervention intensive précoce. Nous sommes avant tout parents d’enfants avec autisme et nous avons bien d’autres choses à faire de nos journées qu’entamer des procédures juridiques lourdes et chronophages. Nous avons déjà demandé la suppression de cette limite par d’autres moyens sans succès, nous utilisons cette démarche comme un ultime recours.
On peut se poser la question : qui fait preuve de diffamation dans ces échanges ?
Concernant la limite d’âge à 4 ans dans les critères d’admission
On nous répond : «Tous les enfants pourront bénéficier du SESSAD jusqu’à 6 ans.»
FAUX. Le cahier des charges de l’appel à projet est limpide sur ce point : les enfants ne pourront bénéficier des SESSAD que si l’admission se fait avant l’âge de 4 ans. Seuls les enfants admis avant cet âge seront ensuite accompagnés sur une durée de 2 ans pouvant aller jusqu’à leurs 6 ans.
On nous explique : «L’âge de 4 ans correspond aux études anglo-saxonnes qui s’arrêtaient à 4 ans.»
Partiellement VRAI. Le cahier des charges de l’appel à projet pour la création des SESSAD justifie cette limite d’âge en interprétant de façon erronée les recommandations publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médico-sociaux (ANESM) en 2012.
On nous répète : «Comme le préconise la Haute Autorité de Santé, les interventions doivent se faire précocement, soit avant 4 ans et pour une durée pouvant aller de 18 mois minimum à 2 ans, soit jusqu’à l’âge de 6 ans.»
Communiqué de presse de l’ARS
FAUX. En effet, la HAS recommande un démarrage de l’intervention intensive précoce avant 4 ans, mais se prononce de façon moins directive pour les enfants de plus de 4 ans, en raison de la rareté des études évaluant ces interventions pour ces âges.
Il s’agit d’une interprétation erronée de ces recommandations, car le rapport de la HAS mentionne lui-même «Ce seuil de 4 ans a été proposé dans la mesure où les interventions qui ont fait preuve de leur efficacité concernent majoritairement des interventions précoces débutées avant 4 ans. Cependant, il doit être interprété avec discernement, notamment pour les enfants dont le diagnostic est tardif.»
Or :
- Les résultats produits par le Centre Expert Autisme permettent de se faire une idée assez claire de l’efficacité de ces interventions, même lorsqu’elles ont démarré après 4 ans (nous rappelons que le nombre d’élèves admis en CP a été multiplié par 3,8 en 2 ans grâce à l’activité du Centre Expert).
- Le fait que l’intervention intensive précoce soit plus efficace si elle commence avant 4 ans (ce avec quoi nous sommes d’accord) justifie-t-il d’exclure du dispositif les enfants ayant dépassé cet âge ?
- Les autres structures médico-sociales précoces (CAMSP par exemple) accompagnent les enfants jusqu’à 6 ans. Les structures prenant la suite acceptent les enfants à partir de cet âge. Les parents d’enfants diagnostiqués entre 4 et 6 devront donc attendre les 6 ans de leur enfant pour accéder à un SESSAD non précoce et se débrouiller seuls en attendant ?
Concernant l’activité et le financement des SESSAD d’intervention précoce
On nous indique : «En France, on fait comme on peut et le plus souvent les interventions commencent hélas tardivement.»
VRAI, et c’est une raison de plus pour ne pas mettre de côté par principe les enfants de plus de 4 ans.
On nous demande : «Vous n’imaginez quand même pas qu’on va mettre les enfants dehors à 4 ans et s’amuser avec le reste de l’argent ?»
NON, nous avons pleinement confiance envers les professionnels des SESSAD et nous savons qu’ils accompagneront les enfants du mieux qu’ils le peuvent. Cependant, le cahier des charges auquel ils sont soumis leur impose ce critère d’admission.
S’ils souhaitent passer outre et ne pas respecter cette limite, ils auront tout notre soutien.
On nous rappelle : «L’argent du centre expert a non seulement été préservé mais augmenté pour ouvrir les 3 SESSADs.»
VRAI et incohérent, ajouter une limite d’âge à l’admission en augmentant les budgets est d’autant plus incompréhensible.
On nous détaille : «Les SESSAD d’intervention intensive précoce en Limousin c’est :
– 107 places au total
– 66 places en Haute-Vienne, 36 en Corrèze et 5 en Creuse
Près de 4 millions d’euros alloués par l’ARS»
Communiqué de presse de l’ARS
VRAI et paradoxal. Il est justement très étonnant d’établir un budget aussi élevé pour les SESSAD d’intervention précoce et d’exclure la moitié des enfants du dispositif. Le budget est censé couvrir l’intégralité des besoins pour tous les enfants de 0 à 6 ans, les places ouvertes également. Alors pourquoi établir en même temps une règle empêchant l’accès à ces centres pour la moitié des enfants ? Le financement étant à la hauteur des besoins, quel est l’intérêt de limiter l’âge d’accès ?
On nous ajoute : «Une durée d’autorisation de fonctionnement de 15 ans renouvelables»
Communiqué de presse de l’ARS
VRAI mais incomplet. C’est vrai pour le SESSAD RAPCEAL qui est une création d’une nouvelle structure, ainsi que pour les SESSAD de Creuse et de Corrèze. Cependant, 26 places ont été également attribuée en extension d’un SESSAD pré-existante (Francis Lormier, géré par les PEP87). Cette extension est valable pour 15 ans à compter du 20 juin 2005 (date de création initiale de ce SESSAD). Le renouvellement de ces 26 places sera donc examiné dès 2020.
On nous donne des chiffres :
« Les PEP 87 accompagnent actuellement les 15 enfants qui avaient déjà entamé un parcours d’intervention précoce avant le 1er juillet et 11 nouvelles admissions sont prévues pour septembre, tous âgés entre 0 et 6 ans,
L’ALDP accompagne actuellement 21 enfants dont 14 qui avaient démarré un parcours d’intervention précoce avant le 1er juillet. 16 de ces enfants ont plus de 4 ans»
Communiqué de presse de l’ARS
VRAI mais ça ne change rien au problème. Les enfants qui étaient déjà suivis ou en liste d’attente au Centre Expert Autisme bénéficient de cette intervention précoce. Les enfant qui seront à l’avenir dépistés ou diagnostiqués avant leurs 4 ans en bénéficieront également.
Les autres, et en particulier les enfants de plus de 4 ans diagnostiqués récemment ou non encore diagnostiqués ne bénéficient et ne bénéficieront pas de cet accompagnement, en application de la règle indiquée dans ce même communiqué de presse.
Concernant la position privilégiée du territoire de l’ex-Limousin en matière d’Autisme
On nous reproche : «Chacun des départements de l’ex-Limousin a un SESSAD 0-6 ans bien doté dorénavant. C’est unique en France.»
VRAI. Devons-nous avoir honte de bénéficier d’un service ? Devons-nous accepter que certains en soient exclus pour que d’autres en bénéficient? La limite d’âge à 4 ans s’applique dans chacun de ces départements, le problème reste entier.
On nous écrit : «Concernant le diagnostic des enfants de moins de 6 ans, les familles continuent de s’adresser au CHU de Limoges»
Communiqué de presse de l’ARS
VRAI. Elles sont désormais accueillies dans le cadre du CRA, qui a déjà une liste d’attente de près de 300 personnes (dont une centaine d’enfants de plus de 6 ans). On imagine mal comment le CRA, malgré toute la qualification et les compétences de ses personnels, va pouvoir absorber la charge supplémentaire des diagnostics en attente au Centre Expert (d’où notre première préoccupation).
On développe : «Ces évolutions permettent aujourd’hui d’étendre cet accompagnement aux familles de la Corrèze et de la Creuse qui n’y avaient auparavant que très peu accès. »
Communiqué de presse de l’ARS
VRAI. Et nous sommes très satisfaits de cette extension qui faisait partie du projet initial du Centre Expert Autisme (l’extension à ces deux départements était initialement prévue en 2016). Par contre, la limite d’âge de 4 ans à l’admission est effective également pour ces deux départements.
On nous envie : «Il n’y a que dans l’ex-Limousin qu’il y a un SESSAD d’intervention précoce par département. Nous aimerions bien en avoir autant !»
VRAI. Et nous soutiendrons tous ceux qui auront cette même revendication. Il n’y a pas de raison que le territoire de l’ex-Limousin soit le seul à bénéficier de ces services, la même chose devrait être proposée dans toute la France pour permettre à tous les enfants avec autisme de bénéficier d’une prise en charge de qualité (et ce sans restriction de 0 à 6 ans … et même après).
On nous rafraîchit la mémoire en nous rappelant qu’il existe sur le territoire de l’ex-Limousin de multiples structures autres que les SESSAD, spécialisées en autisme et financées par l’ARS.
VRAI. Mais ces services, aussi pertinents et efficaces soient-ils, sont complémentaires à l’intervention intensive précoce. Nous en profitons d’ailleurs pour saluer l’excellent travail réalisé par l’ensemble de ces structures au service des personnes avec autisme (HandiConsult, PCPE, SERFA, Autisme Recours, les associations locales et pardon à ceux que l’on oublie). Merci à eux.
De façon générale : le fait que certains services existent sur le territoire ou que la situation soit pire ailleurs doit-il nous empêcher de dénoncer les dysfonctionnements ?
Le Limousin était justement un territoire d’expérimentation et d’innovation qui devait servir de modèle. Nous soutenons l’ARS pour tout ce qu’elle a pu proposer sur ce territoire et tout ce qu’elle continue de financer. Nous pouvons travailler ensemble pour augmenter l’efficacité du diagnostic et baisser l’âge moyen de sa réalisation. Dans la situation actuelle, nous ne pouvons accepter que des enfants soient laissés de côté parce qu’ils ne remplissent pas une condition d’âge qui nous semble illégitime.